Ne pas laisser faire la SAFER ! 450 personnes occupent la chambre d'agriculture d'Angers contre les entraves à l’installation
Le 3 novembre au matin, une centaine de paysannes et paysans se sont donné rendez-vous discrètement autour de la Chambre d’Agriculture d’Angers. Il s’installent par surprise à l’intérieur des locaux avec des canapés, banderoles et barbecues. Il sont rapidement rejoints par une manifestation de 300 personnes parties du centre-ville qui arrivent en chantant "la SAFER n'installe pas, on s'installe à la SAFER !". Cette occupation fait suite à sa décision scandaleuse d'accorder une ferme de 170 hectares à l'agrandissement plutôt qu'à l'installation de 4 jeunes en agriculture bio sur la commune de Denée. La décision de la SAFER, au mépris de toutes les règles censée guider son arbitrage, montre une nouvelle fois l'ampleur de la main-mise de la FNSEA sur cette institution. Alors que des dizaines de fermes disparaissent chaque semaine en France, la Fédé contribue au phénomène. Elle entrave très fréquemment celles et ceux qui cherchent à s’installer, pour que les plus gros bénéficient des terres à leur dépens. On est bien loin de la volonté affichée de transmission des exploitations agricoles et de maintien de l’élevage, et plus proche du copinage et des petits arrangements.
Quand les instances agricoles ne font pas leur boulot et ne respectent pas leur propre mission d'intéret général, il n’y pas d’autre choix que de leur mettre des coups de pression. Au fronton de la chambre est installé un grand portrait de de Bernard Lambert, figure des paysans-travailleurs décédé il ya tout juste 40 ans. Une manière de dire qu’il est grand temps que l’esprit d’action directe fasse son retour contre les cumulards et pour soutenir les fermes non affiliées au syndicat majoritaire.
La mobilisation du 3 novembre, initiée par la Confédération Paysanne pour soutenir les 4 de Denée a réuni des dizaines d’éleveurs, maraîchers, viticulteurs de la région. Mais elle a aussi fait le choix d’appeler à être rejointe hors du monde paysan, parce que la lutte contre la disparition des fermes, pour une agriculture locale et qui protège les terres concerne absolument tout le monde. On a plus que jamais besoin de montrer qu’on est soutenus par la population et que celle-ci sait bien quelle agriculture elle veut. Et en l’occurence les 4 de Dénée bénéficient du fait de ne pas être isolés. Leur projet avait fait l’objet d’une levée de fonds citoyenne et d’un appui de nombreux habitants voisins heureux de la perspectives de profiter des produits de la ferme. Ils et elles n’hésitent pas à prendre la rue pour les soutenir. Et ça fait du bien !
Le jour de la mobilisation, alors qu’un banquet se déploie sur les terrasses de la Chambre et que les prises de parole s’enchaînent pour dire qu’on ne se laissera plus faire, une délégation finit pas être reçue par le président et directeur de la SAFER Pays de la Loire. En vain. Celui-ci ressert la même mauvaise soupe aux jeunes de Denée et aux représentants syndicaux qui les accompagnent. Et il prétend que ce n’est pas plus de son ressort. Mais pour une fois, grâce à la mobilisation, les habituelles petites magouilles pour empêcher l’installation ne passent pas. L’histoire fait du bruit et devient emblématique d’une logique qu’il devient plus difficile d’assumer une fois mise au grand jour. Tant et si bien que la commissaire du gouvernement à la DRAAF chargée de se prononcer sur la validité de la décision a décidé quelques semaines plus tard que celle-ci devra la rééxaminer et repasser au vote.
Pourtant rien n’est encore gagné pour les 4 de Denée et il est toujours possible que la SAFER s'entête à leur boucher la voie. Pour défendre réellement une nouvelle génération de paysannes et paysans, il est temps d'inverser partout le rapport de force face aux logiques d'accaparement.
Mise à jour :
Ce mardi 26 novembre, sans surprise, la SAFER a choisi d’attribuer la majorité des terres à des agriculteurs affiliés à la FNSEA. Résultat des petits arrangements et des manœuvres habituelles : 139 hectares sur les 168 disponibles iront à l’agrandissement, ne laissant même pas un hectare sur cinq pour l’installation. Comble du mépris, la SAFER tente de diviser les 4 de Denée en proposant à l’un d’eux une maigre parcelle de 4 ha pour du maraichage. Face à cette mascarade, la manifestation prévue le 30 nov. à Angers s’annonce déjà comme un cri de colère contre ces « seigneurs de la terre ».
On reviendra dans le prochain numéro des Correpondances Paysannes sur les enjeux liés à l'installation, sur ce que serait aujourd’hui un front de lutte pour faire sauter les verrous qui entravent l’accès au foncier. On vous invite à nous envoyer des récits d'installations réussies et de ce qui a marché dans votre coin à ce sujet.