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L'ancêtre du retournement de panneau

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L'ancêtre du retournement de panneau

N’i a pro !

En 1975, dans les Corbières, on ne retourne pas les panneaux de signalisation comme aujourd’hui, on les arrache à coups de masse et à coups de scie. Contre les négociants qui mettent le pays à genoux, contre le mépris de l’État jacobin, contre l’importation de vins étrangers frelatés, contre l’aménagement touristique du littoral du Languedoc-Roussillon, les vignerons des Corbières s’organisent déjà depuis plusieurs années pour vivre libres et heureux au Pays, dans leurs vignes ‘Volèm viure al país’. « La vigne n’est pas malade que du phylloxéra, ou d’autres microbes, elle est surtout malade des hommes, pas de tous, des puissants, des capitalistes, des politiciens... »(1).

Dans la nuit du 31 juillet au 1er août 1975, « le Midi s’efface lui-même de la carte ». C’est l’opération « Terres perdues ». Tous les panneaux d’indication routière, de direction et d’entrée de villages du département ont disparu.

Un tract distribué au flot de touristes qui déferlent dans ce décor de cartes postales leur explique que ce pays est peuplé d’hommes et de femmes dans la misère mais décidés à vivre des fruits de leur travail. Des milliers de touristes se sont ainsi retrouvés bloqués et invités à emprunter un itinéraire de délestage sur les routes sinueuses des Corbières.

Les groupes de vignerons, très mobiles, se déplacent de blocage en blocage à chaque arrivée de CRS, ce qui provoque irrémédiablement un allongement des bouchons de plusieurs dizaines de kilomètres ! Les touristes errent pendant trois jours et trois nuits, sans trouver la moindre indication ou renseignement auprès des habitants solidaires de la lutte des vignerons. Chacun racontera par la suite l’histoire du « bateau » : Un énorme voilier tracté par une Cadillac a été vu aux quatre coins des Corbières, errant de village en village : « il cherchait la mer, il n’a trouvé qu’un océan de garrigue écrasé de soleil »(2).


(1): Caminarèm, de J-P. Chabrol & C. Marti, éditions Robert Laffont, 1978 (2): N’i a pro ! De M. Coumes & L. Cavalié, Les éditions du bout de la ville, 2023

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