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Lactalis : quand les luttes paysannes s'attaquent à l’ogre laitier 2/2

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Lactalis : quand les luttes paysannes s'attaquent à l’ogre laitier 2/2

Episide 2 : Blocage d'usine, barbecue et témoignages : à Retiers (Ille-et-Vilaine), une quarantaine de personnes ont dénoncé les pratiques destructrices de Lactalis qui prévoit de résilier les contrats de 300 fermes françaises.

Retiers, Ille-et-Vilaine, 18 octobre 2024. Mieux qu’un pied dans la porte, c’est un tracteur qui a bloqué ce matin la grille de l’usine Lactalis de Rétier, laissant une quarantaine de personnes menées par la Confédération Paysanne du 35 occuper l'allée centrale et y déployer une banderole sur laquelle on pouvait lire : « Rousseau en a rêvé, Besnier (1) l’a fait. Encore 1000 paysan.nes sur la paille ».

Derrière ce slogan amer se cache une réalité que Lactalis semble préférer ignorer : celle des petites exploitations agricoles asphyxiées par les pratiques prédatrices du géant laitier. En septembre, l’annonce brutale de Lactalis de réduire ses collectes de lait de 8 % dans les fermes françaises est tombée comme un couperet. Environ 300 fermes verront leur contrat résilié d’ici deux ans, sans alternative. Une décision que la multinationale tente de justifier par les accords de libre-échange, comme celui du Mercosur, qui favorisent l'importation de produits laitiers à bas coût, tout en se prévalant de la nécessité d'une adaptation à une concurrence internationale croissante qui, selon elle, mettrait en péril sa rentabilité. Des mots creux pour les fermes poussées vers la faillite par le premier groupe laitier mondial qui annonce par ailleurs 28,3 milliards d’euros de chiffre d’affaire en 2023 avec une progression de plus de 25 % par rapport à l’année précédente (2).

Une fois installés dans l’usine dans un climat bon enfant, un barbecue est allumé, une tireuse à bière branchée dans les bureaux de l’usine, et les prises de parole se succèdent dans le but de faire connaître les revendications portées par la Conf. Le Réseau de Ravitaillement de Rennes, présent en soutien, prête main forte en proposant une magnifique table de victuailles.

Rencontrés lors de la mobilisation, un père et son fils, éleveurs depuis 23 ans dans le Morbihan, ont témoigné avoir appris la fin de leur contrat par un simple coup de fil. Depuis, le technicien Lactalis qui les suivait n’ose même plus passer sur leur exploitation... « Voilà où en est la relation commerciale que Lactalis vante tant : une entreprise qui écrase les plus faibles en fuyant ses responsabilités ».

Face à cette situation, la Confédération Paysanne ne réclame pas l’aumône. Elle demande une régulation publique et collective des volumes de lait pour empêcher que des géants comme Lactalis puissent décider seuls de l’avenir de centaines de fermes. En février dernier, le syndicat paysan avait déjà tenté de forcer Lactalis à négocier en occupant son siège à Laval. La revendication était simple : un prix minimum au litre et l’application stricte de l’interdiction de vendre en deçà du prix de revient. Mais malgré plusieurs heures d’occupation et la pression médiatique, les actionnaires de Lactalis n’ont même pas daigné accorder un rendez-vous au syndicat.

La FNSEA, quant à elle, se contente d’annoncer une pseudo négociation pour une année supplémentaire avant que les contrats ne soient rompus, une posture qui ressemble sans surprise davantage à une trahison déguisée qu’à une véritable défense des intérêts des paysans. La complicité entre l’agro-industrie, la FNSEA et un gouvernement qui brade l’agriculture hexagonale sur l’autel du libre-échange ne surprend plus personne.

Qu’attendre aujourd’hui de Lactalis si ce n’est la poursuite de sa politique capitalistique qui étrangle méthodiquement les petites exploitations au profit d’une industrie toujours plus avide de profits ? Qu’attendre de ce gouvernement, si ce n’est davantage de silence et de complicité quand il s’agit de plier devant les diktats du libre échange international ?

L’ action menée ce 10 octobre tout comme celles du mois de février ont su visibiliser brièvement ces sujets. Comment envisager aujourd’hui de réelles perspectives de rapport de force avec les géants de l’agro-industrie afin de protéger une agriculture nourricière et d’envisager une subsistance résiliente et autonome ? Le mouvement agricole qui gronde ouvrira peut-être la voie à des perspectives de lutte à la hauteur de ces enjeux.

Notes :

1. Emmanuel Besnier est le petit-fils d’André Besnier, le fondateur de Lactalis en 1933. Il a hérité de la direction de l’entreprise et en a pris la tête en 2000. Sous sa direction, Lactalis a connu une importante expansion et est devenu le premier groupe mondial de produits laitiers.

2. source Lactalis.com

_À écouter : L'ogre du lait, une enquête d'Inès Léraud, par les Pieds sur Terre en partenariat avec Disclose, en trois volets sur Lactalis https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-l-ogre-du-lait _

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