La Bourse ou la vie !

Le ministre de l’Intérieur avait prévenu : pas de paysan.ne.s dans Paris ! En d’autres termes : « foutez le bordel dans vos campagnes, mais pas question de salir les beaux quartiers avec vos bottes ». Il fallait relever le défi, la Confédération Paysanne l’a fait, mais la répression était au rendez-vous...
Jeudi 5 décembre, 6h du matin. Nous partons à quatre d’Indre-et-Loire pour rejoindre plusieurs dizaines de paysan.ne.s de la Confédération Paysanne en plein Paris. L’objectif : arriver au Grand Palais pendant la « 64e bourse européenne des grains ». Un événement à plus d’un million d’euros réunissant, entre stands et petits fours, les grands acteurs hors-sol de la spéculation sur les céréales. Invivo, Syngenta, Avril, ils sont tous là, servis sur un plateau. Leur métier ? Faire du blé, bien sûr, mais sans monter dans un tracteur.
Après 3h de route, nous sommes réuni-e-s Porte de Bagnolet pour un brief avant de rejoindre, en synchronisation, les autres groupes à la sortie du métro. Nous nous regroupons sur le parvis du Grand Palais dans une ambiance bon enfant et festive, pour dénoncer la dérégulation des marchés et la spéculation sans limites / vol de notre travail. Au même moment s’ouvre en Uruguay le sommet du Mercosur… pas de quoi perturber plus que ça nos boursicoteurs. Non, ce qui les dérange, ce sont les quelques camarades qui s’invitent bruyamment à l’intérieur, renversent quelques tabourets et posent des autocollants, mais sont vite sorti-e-s par la sécurité.
À l’extérieur, une banderole de 5 x 12 m « Sauvez les paysan.ne.s, mangez un trader » est déployée et une prise de parole vient expliquer notre action et nos revendications sous les yeux ébahis des traders. Les forces de l’ordre mettent alors en place une nasse ! Participant-es et journalistes sont consternés. L’ambiance devient rapidement anxiogène, d’autant que la BRAV-M arrive en renfort. La BRAV, un nom qu’on entend si souvent qu’on en oublierait presque ce qu’il veut dire : Brigade de Répression de l’Action Violente.
Pour nous, ça a plutôt été Brigade de Répression par l’Action Violente : balayettes, vêtements arrachés, côtes esquintées, nez abîmés, coups vicieux douloureux mais évidemment sans marques. La BRAV-M a exfiltré par cinq fois des camarades de la Conf’ : trois ont subi 36 heures de garde à vue et deux 48 heures. Ces derniers sont poursuivi-e-s pour outrage à agent et rébellion et seront jugé-e-s le 14 octobre prochain au tribunal judiciaire de Paris.
Encore 45 minutes privés de notre liberté de circulation et les gendarmes nous raccompagnent gentiment au métro le plus proche.
Un retour en voiture de Paris, chargé d’émotions partagées ensemble : colères et incompréhensions. La répression est toujours plus violente envers la Confédération Paysanne. Elle est exécutée par des gamins en uniformes, méprisants et ravis de taper vicieusement du gaucho devant des traders hallucinés, odieux, imbus, pincés et aveugles, incarnant tout le gratin d’un autre monde. On notera que la FNSEA et la CR n’ont pas du tout le même accueil. J’ai trouvé la cible bien choisie et l’organisation de la Conf’ nationale réglée comme du papier à musique. Apparemment, troubler le gavage de petits fours n’est pas très bien reçu.
Loup & Récréation