Arnaud Rousseau : Vrai PDG, faux paysan
Des marchés financiers à la présidence de la FNSEA, Arnaud Rousseau incarne la transformation d’un modèle agricole en une machine industrielle au service des puissants. Portrait d’un homme qui, loin de représenter les paysan.nes, défend les intérêts d’une agro-industrie vorace et destructrice
On voit sa gueule partout à la télé. Il prétend parler au nom des agriculteurs. **Mais qui est donc Arnaud Rousseau ? Une caricature du passage de la ferme à la firme. **Ce cinquantenaire est diplômé de l'European Business School de Paris. Il a commencé sa carrière sur les marchés financiers dans le courtage et le négoce de matières premières agricoles. Il a passé des années à s’enrichir sur le dos des cultivateurs en spéculant sur le cours du blé à la bourse de Chicago. Bref, il a plus d’heures au compteur sur le fauteuil en cuir de son bureau que sur le siège d’un tracteur.
Il reprend l’exploitation de son père en 2012. Avec sa femme, il est propriétaire de plusieurs sociétés agricoles sur une surface de 700 hectares. C’est dix fois plus que la surface des fermes moyennes en France. Il a hérité d’une partie de ses sociétés. Les autres, il les a rachetées dans le cadre d’une politique offensive d’agrandissement. Il touche 173 000 euros d’aide PAC par an soit 5,6 fois le montant moyen que touche une exploitation agricole en France. Sa ferme, ce sont ses salariés et son Entreprise de Travail Agricole qui la font tourner. Car Arnaud Rousseau, c’est d’abord un patron qui va en berline siéger dans des conseils d’administration. Mais aussi un notable rural qui occupe le poste de maire de sa commune. Bref un ultra-privilégié qui prétend parler au nom des paysans.
En plus de gérer ses multiples sociétés et sa holding, il est le président du conseil d’administration du groupe Avril, un géant de l’agro-industrie avec 7 milliards de chiffre d’affaire en 2021. Cette société lui verse 187 000€ par an en rémunération et en jetons de présence. Le jeton de présence, c’est plusieurs milliers d’euros simplement en se donnant la peine d’être là et de poser son cul sur un siège. Et encore 187 000€, c’est sans compter les innombrables avantages en nature. C’est sans compter les bénéfices et les revenus engrangés par ses autres sociétés. Bref, en voilà un qui se gave de pognon pendant que ses collègues se serrent la ceinture. Pendant ce temps, plus d’un paysan sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. En 2017, 19 % des agriculteurs n’avaient pas dégagé de revenu. Avec la situation actuelle, tout porte à croire que ça va être pire encore cette année.
Arnaud Rousseau est également président du conseil d’administration de Sofiprotéol et de Saipol, la filiale d’Avril qui investit dans les agro-carburants. **Ainsi, derrière ses discours anti-écolos, il est à la pointe de ce que l’écologie a engendré de pire : la fusion entre l’agro-industrie et l’industrie énergétique. **Une politique qui veut transformer les paysans en sous-traitants d’EDF. Une politique absurde qui conduit à balancer dans des moteurs ou des méthaniseurs, des cultures alimentaires à destination humaine au prétexte de transition énergétique ! Mais bon, il faut bien de l’agro-kérosen pour qu’Arnaud Rousseau puisse continuer à prendre l’avion…
Alors quand le président de la FNSEA négocie avec le gouvernement pour les agriculteurs, vous pensez qu’il négocie pour qui ? Il l’assume dans un entretien de janvier 2024 au Point. Son principal problème c’est « qu’on contraint nos gros agriculteurs à produire moins ». Ou encore, que répondre quand le gouvernement l’appelle pour lui « demander avec insistance le nom de personnalités susceptibles d’être intéressées par le ministère de l’agriculture ». Lui qui défend les gros à la table des grands, qui dîne avec Macron et les ministres, lui qui a régulièrement le PDG de Lactalis au téléphone, il s’en fout complètement d’installer de nombreux paysans pour sauver le métier et les campagnes. « La Confédération paysanne écrit dans son programme qu'il faut remettre un million d'agriculteurs dans les champs. Un million ! Certes, Mao l'a fait, avec son Grand Bond en avant. Le fait de ne pas y croire ne fait pas de moi un affreux techniciste. » Non, ça fait juste de toi un gros patron sans vergogne, qui liquide le monde paysan... Un ennemi de classe qui affirme à France Bleu en novembre 2024 que les mesures du ministère de l’agriculture « vont dans le bon sens ».
Alors, sur les barrages, les paysans pourraient reprendre à leur compte ce bon mot de Gavroche derrière les barricades : « je suis tombé par terre, c’est la faute à John Deere, le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Rousseau ».