Parallèlement à la fronde citoyenne en cours contre la loi Duplomb, un orage gronde sur le plan de la lutte contre l’austérité néolibérale. Depuis quelques semaines, un appel anonyme à « un arrêt total du pays » le 10 septembre face au « plan Bayrou » se répand sur les réseaux sociaux : des groupes, des assemblées ou des comités ont émergé et s’attellent à donner corps à cette rumeur qui bruisse partout à travers le pays et clame que, pour mettre un coup d’arrêt aux politiques économiques prédatrices, « tout doit s’arrêter ». Le mouvement qui vient nous met face à un enjeu politico-stratégique d’ampleur : la fronde en cours face à l’intoxication du monde et de nos corps par le complexe agro-industriel pourrait-elle venir rencontrer l’océan de colère qui monte contre le libéralisme autoritaire ?

De notre point de vue, il devient essentiel que ces deux dynamiques créent des ponts et des alliances car une loi d’orientation agricole aussi néfaste pourra difficilement être arrêtée par la seule addition du syndicalisme paysan et des forces des mouvements écologistes. Sans compter que leurs synergies pourraient renforcer la possibilité d’un mouvement social explosif et tous azimuts en cette rentrée.

Ces deux dynamiques ont en tous cas bien des raisons de confluer ! En effet, d’une main on fait passer en force une loi qui renforce l’hégémonie d’un modèle agro-industriel et de firmes agro-chimiques qui nous empoisonnent et nous rendent malades. De l’autre, on dépèce toujours plus un système de santé, notamment en précarisant des malades de longue durée dont les pathologies, pour bon nombre d’entre elles, sont les conséquences directes des contaminations environnementales et des désastres sanitaires engendrés par ce même modèle et ces mêmes firmes. 

Comme le soulignent aussi à très juste titre les camarades de la Confédération Paysanne dans leur communiqué du 7 août : « L’alimentation est une question hautement stratégique qui peut être un point de convergence important pour que cette rentrée sociale soit explosive ». Mais pour que la « socialisation de l’alimentation » puisse devenir autre chose qu’une incantation utopique, nous disons que c’est la lutte pour l’agriculture paysanne qui doit elle-même se « socialiser » et se libérer ainsi de la double impasse alternativiste et corporatiste. Elle doit s’inscrire dans un combat social plus général pour la dignité des classes populaires, combat qui passe par la reprise en main de nos conditions d’existence et de production et la fin des  politiques économiques prédatrices qui asphyxient nos existences. Pour s’y inscrire réellement, elle doit prendre corps sur le terrain propre de ce mouvement, en devenir partie prenante et être force d’initiative pour contribuer pleinement à ces mobilisations de masse pour bloquer l’économie et s’opposer aux ravages.

Sur ce plan, nombre des modes d’action et des méthodes de lutte paysannes pourraient se révéler précieuses. Actions de réappropriation et de redistribution contre la cherté de la vie. Ravitaillement des luttes et massification d’une culture de la subsistance subversive au sein de greniers sociaux, à l’image de ceux des Soulèvements de la terre ou du Réseau de ravitaillement des luttes du pays de Rennes. Banquets populaires pour souder les rangs. Interventions avec des convois de tracteurs pour consolider les blocages de flux. Actions directes coordonnées depuis l’intérieur des espaces d’auto-organisation du mouvement contre les sites de production et de stockage des firmes de l’agrochimie et les autres infrastructures stratégiques du complexe agro-industriel.

Les possibilités d’intervention seront nombreuses pour renforcer les dynamiques et développer des synergies victorieuses. Si les travailleurs et travailleuses de la terre et de l’agro-industrie entraient dans la bataille au côté des autres classes populaires et si le complexe agro-industriel était attaqué pour ce qu’il est - un pilier de la contre-révolution et de  notre dépossession – alors un élément clé du verrouillage de la situation politique pourrait bien sauter...

À très vite, sur les blocages !