La colère paysanne en questions
Il est encore bien trop tôt pour tirer des leçons ou produire une analyse du mouvement en cours. A ce stade, nous n’avons que des questions :
Pourquoi le ministère de l’intérieur rompt-il avec la ligne de l’année dernière annonçant une politique répressive de tolérance zéro en cas de blocages ? Est-il vraiment sur le point de tirer des grenades et d’emprisonner des agriculteurs comme ça se fait depuis des années contre tous les autres secteurs en lutte ? Que craint-il au juste ? Est-ce une manœuvre pour nous empêcher de mener des actions impactantes à même de nous faire obtenir gain de cause ?
Pourquoi la FNSEA s’empresse-t-elle de lui emboîter le pas ? Pourquoi se cantonne-t-elle à des actions symboliques ? Pourquoi annonce-t-elle la fin du mouvement pour mi-décembre alors que celui-ci commence à peine ? Pourquoi condamne-t-elle par avance les « débordements » alors même que la colère gronde à sa base ? Soutiendra-t-elle les agriculteurs poursuivis pour des actions audacieuses et efficaces ? Est-elle en train de dire au gouvernement "serre les dents, ça va passer" ?
Les déclarations conjointes de la FNSEA et de Retailleau témoignent-t-elles d'un pacte entre le ministre de l'intérieur et le syndicat majoritaire pour réprimer toutes les actions conséquentes qu'engageraient la Confédération paysanne, la Coordination Rurale ou des paysans non syndiqués ?
Quel est l’impact des élections professionnelles de janvier sur le mouvement actuel ? Va-t-on assister à un éphémère feu de paille électoraliste, à un mouvement-campagne destiné uniquement à agréger des voix mais voué à s’éteindre au lendemain des élections pour laisser place à la routine co-gestionnaire ? Ou va-t-on aller plus loin que l’hiver dernier, pousser un rapport de force de longue durée jusqu’à la victoire en refusant de se laisser endormir par des effets d’annonces gouvernementaux ? Va-t-on laisser les centrales syndicales tenir la barre et siffler la fin du match ? Est-il possible de voir émerger un pouvoir paysan par le bas, des coordinations régionales sans étiquette de paysans en lutte ?
Pourquoi la colère se focalise-t-elle sur l'accord Mercosur, certes inacceptable, mais pas sur les autres politiques de libre-échange y compris au sein même de l'Europe, où le marché unique condamne les agriculteurs et agricultrices à la compétition permanente jusqu'à disparition des concurrents ?
Comment l’opposition au libre échange sur les marchés agricoles pourrait-elle servir de point d’appui pour une jonction du mouvement paysan avec tous les autres secteurs professionnels laminés par les politiques néolibérales ? La force conjuguée des paysans et des travailleurs serait-elle en mesure de bloquer le pays et de faire plier Macron ?
Comment faire exister les autres revendications paysannes sur le revenu, sur la terre et le foncier, contre les accapareurs et pour la sauvegarde du métier ? Comment faire exister les batailles vitales pour sauver des secteurs en difficulté, de la viticulture occitane à l’élevage bovin dans le grand ouest en passant par les apiculteurs sur tout le territoire?
Ça serait quoi, une victoire du mouvement ? Ça aurait quelle gueule ? Ça serait quoi une série de mesures structurelles qui rompent avec la politique anti-paysanne de l’Europe et de la France depuis plus de 60 ans ? Et ça serait quoi des moyens d’actions efficaces pour les imposer ?
Si vous avez ne serait-ce qu’un début de réponse à ces questions, merci de nous les envoyer à correspondances-paysannes@systemli.org